Dessine moi un super-héros

Marre des pâtes au beurre ? De ces chaussures trouées ? De te chauffer à l'aide d'un bidon remplis de détritus divers ? Il n'y a plus d’inquiétude à avoir, j'ai la solution qu'il vous faut. Si je vous dis pizza avec supplément fromage vous me répondrez argent et qui dit argent dit film de super héros. Aujourd'hui, l'heure n'est plus aux études, au travail et autres fables de grand-mères, abandonnez tout ça, la recette du succès c'est faire un Marvel. Grâce à ma méthode très simple et en 9 étapes, vous aussi créez votre film de super héros et engrangez ensuite les millions, que dis-je, les milliards !!!

1. Un drame pour donner un ton grave au film et une voix grave au super-héros

C'est le nerf de la guerre, l’événement fondateur pour votre super-héros. Il faut que ce soit suffisamment dramatique pour susciter une larme ou deux et quoi de mieux que la mort d'un parent/mentor ? Prenez Batman, Spiderman, Bambi, ils ont tous perdu un être cher avant d'entrer définitivement dans la catégorie des bad-ass. L'idéal serait de faire prononcer au mourant une phrase la plus bateau possible et qui deviendra une sorte de credo pour notre jeune super-héros en herbe, du genre « Être fort c'est protéger les faibles ».

2. Super-héros= Super-pouvoirs

Ça semble assez évident mais avec vous on ne sait jamais alors oui un super-héros se doit d'avoir des super-pouvoirs ! La catégorie animale/insecte semble assez éculée et il ne reste plus que Koalaman en stock ce qui, vous le concéderez, n'est guère vendeur. Non là l'originalité n'est pas nécessaire, donnez à votre héros le pouvoir de voler (comme ça il pourra avoir une jolie cape qui flotte au vent), une super-force (pratique pour ouvrir les bocaux de cornichons) et une super-intelligence (mais pas trop non plus comme on le verra par la suite avec le méchant). Niveau nom, ne vous foulez pas trop, Super-hérosman fera très bien l'affaire.

3. Un costume super-sur-mesure

Votre super-héros se doit d'être stylé, n'oubliez que l'essentiel de vos revenus viendra du merchandising et de ces crétins de mômes qui achèteront vos figurines et vos costumes. Évitez les slips de quelque couleur qu'il soit. La cape est indispensable, tout comme un juste-corps qui moulera parfaitement les muscles saillants de votre super-héros. Le rouge est à conseiller, il ravira vos fans américains et chinois. Ensuite, brodez un logo tout bête sur le torse ; un pouce bleu par exemple (à l'ère de Youtube, il s'agit de s'adapter).

4. Une ville comme "tierquar"

Votre super-héros, comme tout citadin qui se respecte, aura à cœur de défendre sa ville natale et seulement sa ville natale. Ville qui étrangement concentrera tous les plus grands super-vilains et les invasions extraterrestres. La ville se doit d'être sexy, évitez donc Dunkerque. Non il faut une ville dynamique et surtout où tourner pas cher, Kinshasa et ses 17 millions d'habitants seront un théâtre d'action parfait.

5. Une intrigue amoureuse pour au moins viser le MTV Award du "Best Kiss"

Un film de super-héros c'est long, plus de deux heures en moyenne et on ne peut pas montrer que des combats (vous disposez d'un budget serré pour rappel). Alors quoi de mieux qu'une intrigue amoureuse pour combler les trous de votre scénario et surtout permettre à la gente masculine de convaincre leur date de les accompagner ? Imaginez donc une amie d'enfance qui la puberté venue, a pris en grippe notre super-héros. Pendant 1h30 laissez les jouer au chat et à la souris avant que... slurp ! Slurp ! Slurp ! Mais pas trop, ça reste un film pour enfants.

6. Un méchant méchant

Tout bon super-héros se doit d'avoir une Némésis (+15pts au Scrabble). Là encore, orientez-vous vers un ami d'enfance (très freudien tout ça) qui jalouse secrètement notre chatouillant super-héros. Deux possibilités s'offre à vous, soit sa richesse lui permet de compenser son déficit de force (ouh le vilain fils à papa!), soit lui aussi a été contaminé par de l'amiante radioactive. Le méchant aura la classe tout au long du film et toujours un coup d'avance, sauf à la fin (spoiler on le verra après). Privilégiez les costumes Hugo Boss pour la référence et les regards bleu acier.

7. La trahison et l'enlèvement de la princesse

Maintenant que vous avez vos trois protagonistes, faîtes les évoluer dans un triangle amoureux qui se soldera par la trahison du méchant (que le super-héros n'aura, mais alors vraiment pas, vu venir) qui dentition impeccable et acérée, sera tout goguenard alors qu'il enlève la toute innocente et geignarde copine (les cris aigus sont un plus indéniable) à l'issu d'un plan incroyablement tordu et compliqué pour un résultat aussi simple. Bien entendu, cela s'accompagnera d'une menace sur la ville, voire la Terre, voire l'univers tout entier.

8. L'affrontement final où...Surprise, le gentil gagne !

Les deux frères ennemis se retrouveront au sommet d'une tour (l'intrigue sera suspendue à un fil) où ils régleront leurs comptes une bonne fois pour toute (enfin non pas vraiment mais on y reviendra). Le super-héros sera affaibli par un coup vicieux de son adversaire et alors qu'il sera proche de la défaite, notre vilain, yeux exorbités se décidera à raconter toute sa vie et ses petits soucis en mode séance de psychanalyse. Suite à ça, le super-héros, grâce au pouvoir de la gentillesse, renversera la situation et triomphera du Mal. Un petit bisou et clap de fin.

9. Clap de fin ? Non pas encore ! Il y a la scène post-crédit

Alors là, c'est tout l'art du trollage qu'il vous faudra rassembler. Pondez un générique bien bien long, qui prendra un soin diabolique à citer la moindre personne ayant contribué au film (Bobby le stagiaire ramasse-mégots aura sa ligne). 15min constituent un minimum, le tout avec une musique la plus monotone possible. Et enfin, écran noir, une voix grave qui annonce « je reviendrai » et gros plan sur le visage tout déterminé du méchant qu'on croyait mort mais qui en fait à juste une cicatrice sur la joue.